Découvrir Inlé : un rêve qui se réalise
Si un des sites connus de la Birmanie vous a déjà fait rêvé, il s’agit presque à coup sûr du Lac Inlé. Vous savez bien : ce grand lac au milieu des montagnes dont les habitants vivent sur l’eau, ne se déplacent qu’en pirogue et tirent leurs ressources de la pêche et de cultures maraîchères sur des jardins flottants. Je sens que la mémoire vous revient, vous revoyez les images magnifiques découvertes dans des magazines de géographie ou des reportages filmés. Elles ont quelques chose de magique, c’est sûr ! Un photographe comme moi attend beaucoup de la découverte de ce lac mythique dont il rêvait depuis des années.
Las, lors de notre voyage birman de janvier 2015, la chance n’était pas vraiment au rendez-vous. Le temps était couvert, froid et même carrément pluvieux. Adieu les belles couleurs de début et de fin de journée tant espérées pour réaliser les photos extraordinaires que j’avais en tête. Il a fallu composer avec le ciel ! Mais rassurez-vous, la magie d’Inlé finit quand même par opérer et on se laisse envoûter par le charme hors du commun du lac et du mode de vie de ses habitants.
Le Lac
D’abord, quelques informations sur le lac. Il est grand, c’est certain !
Mais il est parfois difficile de s’y retrouver dans les chiffres avancés ici et là ! Si la superficie est souvent donnée pour 12.000 hectares, des études, qui ont déjà 15 ans d’âge, parlent de 47 km2 seulement en évoquant le comblement rapide du lac ; il est vrai que les contours en sont difficiles à cerner en raison de la présence sur le lac des habitations et des nombreux jardins flottants : on ne sait jamais si la pirogue qui nous transporte se trouve encore sur le lac ou déjà sur un canal au milieu de la terre ferme.
Il est peu profond : on évoque une profondeur moyenne de 2,1 mètres qui varie selon les saisons et d’une profondeur maximum de 3,6 m avec une tendance au comblement qui se vérifie aussi sur ce critère.
Le lac Inlé se situe au centre de la Birmanie, au sud de l’Etat Shan, et s’étire du nord au sud sur une vingtaine de kilomètres. Situé à 900 mètres d’altitude, il est entouré de chaines montagneuses.
La population du lac et de ses alentours est évaluée à 70.000 habitants, de diverses ethnies, mais constituée à l’origine par le peuple Intha qui s’y est installé après avoir fui les combats du sud de la Birmanie au début du XVIIIème siècle.
Paysages du lac : les jardins flottants fixés par des bambous
Nous arrivons au lac Inlé en venant de Bagan par avion, les yeux encore éblouis des merveilles de la plaine aux 2000 temples. On atterrit sur le petit aérodrome de Heho où nous attend une voiture et un guide pour nous emmener jusqu’à Nyaungshwe, le principal village des alentours du lac. C’est là que se fait l’embarquement sur un long-tail boat, longue pirogue motorisée, étroite et instable, qui sert aux déplacements sur le lac. Chaque pirogue embarque plusieurs passagers installés en file indienne. Pour les touristes que nous sommes, nous avons droit à des sièges et des gilets de sauvetage, mais aussi des couvertures et des parapluies, qui se sont avérés fort utiles lors de notre séjour. Le moteur diésel à l’arrière actionne une hélice à l’extrémité d’un axe de deux mètres de long, qui produit de belles gerbes d’eau.
Il nous faudra une heure de bateau pour rejoindre notre hôtel sur pilotis, le Shwe Inn Tha.
La pêche
Après 5 km sur un canal qui descend vers le sud depuis Nyaungshwe, la pirogue débouche enfin sur le lac. Nous y sommes attendus par deux ou trois bateaux de pêcheurs, des pirogues plus courtes et sans moteur mais tout aussi étroites. Les pêcheurs disposent d’une rame unique autour de laquelle ils enroulent une jambe qui produit un mouvement de godille pour faire avancer le bateau et le manoeuvrer. Cela leur laisse les mains libres pour plonger dans l’eau une grande nasse conique qui emprisonne les poissons. Déception ! On se rend vite compte qu’il ne s’agit là que d’un show pour touristes et on comprend vite que cette méthode de pêche traditionnelle n’a plus cours aujourd’hui, ce que notre guide Coco finit par nous concéder à contrecoeur.
La pêche reste néanmoins une activité importante sur le lac et on rencontre vite d’authentiques pêcheurs dans l’exercice de leur métier. Les pirogues se manipulent toujours avec les mouvements de godille impulsés par la jambe enroulée autour de la rame, seule la nasse est remplacée par des filets plus grands avec parfois une technique de battage de l’eau pour diriger les poissons vers le filet : c’est assez spectaculaire … et tout autant photogénique !
Pêcheur dans la froide lumière violette de l’aube
L’habitat et la vie sur le lac
Loin des lacs traditionnels qui sont souvent des havres de paix, Inlé nous offre le spectacle d’une activité permanente avec beaucoup de mouvement : les habitants logent sur le lac, y travaillent, ravitaillent, les enfants vont à l’école, … C’est inhabituel et passionnant de découvrir cette vie animée sur l’eau, rythmée comme dans une bourgade par les activités humaines quotidiennes. Il nous été permis d’assister à la fin des cours dans une école et à la sortie des enfants que leurs parents sont venus chercher en bateau ; aussi bruyants que tous les enfants du monde à la sortie des classes, seulement un peu plus disciplinés sur le ponton devant l’école au moment d’embarquer dans les pirogues instables.
Les marchés du Lac Inlé
Les 5 marchés du lac se tiennent à tour de rôle, chaque chaque jour de la semaine, dans des villages différents autour du lac. Un seul se tient sur l’eau, mais nous n’avons eu pas la chance d’être là le bon jour. Les deux marchés qu’il nous a été donné de visiter se tenaient sur la terre ferme (au terme d’un bonne balade à pied d’une heure pour l’un des deux). Le parking des pirogues n’en est que plus impressionnant. On trouve de tout dans ces marchés : des marchandises de toutes sortes bien sûr, mais aussi des services de restauration, de jeux, de coiffure, … Ce sont des lieux de vie et de rencontre importants.
Un joli visage de femme croisée sur un marché du lac
Pagodes et Monastères
La vie religieuse n’est pas absente du lac, même si elle est moins présente qu’ailleurs. On y croise quand même des moines et on peut visiter des monastères en activité comme celui de Nga Hpe Kyaung.
Une visite à ne pas manquer est celle d’Inthein pour ses très beaux vestiges de pagodes du 17ème siècle ; ils sont délabrés et mangés par la végétation, mais n’en sont pas moins magnifiques ! On atteint Inthein après un assez long parcours amusant sur un canal, en franchissant régulièrement des micro-barrages qu’il faut sauter pour les franchir à l’aller et descendre en les surfant au retour. La balade donne l’occasion de voir les habitants vivre au bord de l’eau où ils se lavent, font la lessive, la vaisselle, … On ne peut s’empêcher de se demander comment s’effectue l’assainissement des eaux usées, mais la réponse est assez évidente, non ?
Les jardins flottants
Les jardins flottants sont une des curiosités majeures du lac. Notre guide, Coco, n’a pas manqué de nous en faire la démonstration : on peut marcher et cultiver sur les jardins flottants ! Pour être honnête, pesant le double de ce guide modèle réduit, je n’ai pas tenté l’expérience, mon épouse Mo non plus.
C’est assez étonnant, les jardins sont composés à l’aide des jacinthes d’eau arrachées du fond, d’autres plantes également et de sédiments mélangés, de quoi faire un tapis épais, flottant et contenant les nutriments qui permettent de cultiver des légumes. Ces tapis sont arrimés au fond à l’aide de pieux en bambou et des cabanes de jardin sont installées ici et là. De vrais potagers sont ainsi créés pour cultiver la tomate, la courge, le concombre, les légumes à gousse. Inlé est ainsi la première région productrice de tomates de Birmanie. Ces cultures sont source d’une activité importante sur le lac.
Un écosystème menacé ?
Je n’ai pas souhaité en faire le thème central de cet article (je suis loin d’être assez savant sur le sujet ! ), mais, vous l’aurez compris au travers de quelques allusions ou de certaines images ci-dessus, le Lac Inlé est un système menacé :
- il se comble peu à peu du fait des déforestations alentour et de l’accumulation de sédiments,
- il est envahi par les jacinthes d’eau,
- l’utilisation intensive des pesticides pollue l’eau et porte préjudice à la faune piscicole,
- l’absence de système d’assainissement aggrave la pollution du lac,
- la multiplication du trafic des long-tail boats alimente la pollution à cause de leurs moteurs diesel fumants et bruyants,
- le développement rapide du tourisme, la construction de nouveaux hôtels accroissent la fréquentation du lac et en accélèrent la dégradation.
Si quelques mesures ont été prises par le gouvernement birman, beaucoup reste encore à faire pour préserver ce qui reste du lac et de sa biodiversité.
Quelques images en noir et blanc pour terminer …
Tes photos me transportent… Un plaisir de parcourir le billet !
Merci de ce commentaire Lady. Les voyages doivent nous permettre d’être transportés … et si mes images produisent ce genre d’effet, j’en suis ravi bien sûr.
Je rêve devant ces images… même si ce n’est pas ce que tu attendais, c’est quand même magique!
Une société et un mode de vie vraiment façonnés par cette vie lacustre. Il n’y a, en effet, pas lieu d’être déçu de tout ce qu’on y découvre. Comme pour tous les décors qui associent l’eau et la montagne, il faudrait pouvoir y séjourner longuement pour bénéficier de toutes les variations de lumière et de couleurs selon les saisons et les heures du jour : là, c’est le photographe qui s’exprime.